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9 décembre 2009 3 09 /12 /décembre /2009 22:26



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... Pendant un instant d'une brièveté inouïe, Gaspard eut l'impression d'une descente merveilleuse. Il ne put retenir un cri. La corde venait de se rompre.. Hélène heurta le bord de la marquise, dont les verres volèrent en éclats, et elle tomba dans la cour, les bras étendus. Son corps s'étala sur les dalles, et elle ne bougea plus...
... Gaspard ne devait jamais oublier cette chute qui lui avait paru si légère et douce dans la clarté de la nuit. Mais Hélène gardait une effrayante immobilité.
... Gaspard ne pouvait franchir la grille. Il appela de toutes ses forces. La maison s'était déjà éveillée. Les lumières s'allumaient. Un homme en pyjama sortit sur le perron, suivi d'un Chinois vêtu d'une longue chemise rouge, et de deux femmes. tous ces gens parlaient anglais.
... On releva Hélène. Gaspard aurait voulu se précipiter vers elle. Le Chinois, qui l'avait aperçu, lui jeta des injures en anglais. Gaspard ressentit une terreur inexplicable. Il se sauva au moment où l'on transportait Hélène dans la maison.
... Il revint cependant aussitôt, et il entendit une auto qui ronflait dans un garage. On avait dû téléphoner au médecin, et sans doute on allait chercher M. Drapeur. L'auto sortit du garage. Le Chinois vint ouvrir la double porte de la grille. Gaspard s'effaça dans l'ombre d'un mur. Peu de temps après arriva la voiture du médecin. Un quart d'heure plus tard, la première auto revint. M. Drapeur en descendit. Sur le perron, il fut accueilli par la gouvernante qui gémissait...
... - Elle avait voulu... J'ai pourtant veillé... Le docteur espère la sauver...
... M. Drapeur écarta cette femme non sans brutalité et entra dans la maison.
... Un silence absolu suivit ces démarches. On avait certainement transporté Hélène dans une chambre située sur l'autre côté de la maison. Aucune lumière sur la façade, sauf celle du vestibule. Gaspard fit le tour du jardin, qui était entouré d'un mur élevé. Il ne pouvait l'escalader et cela n'aurait servi à rien. Si Hélène mourait ce serait de sa faute. Il aurait dû mieux vérifier la résistance de la corde. Peut-être la corde avait-elle frotté sur l'angle d'une pierre, tandis qu'Hélène se balançait.
... Gaspard se mit à marcher. Il suivit une rue qui le mena dans la campagne et sans se rendre compte il parcourut une assez longue distance. Des larmes coulaient de ses yeux jusque sur ses épaules nues. Il s'était finalement engagé dans un sentier qui aboutissait à une impasse formée par des rochers. Au-dessus des rochers, il y avait un bois de pins. Ces pins étaient tous morts. Ils prenaient dans la clarté de la lune des dimensions énormes. Un grand oiseau de nuit monta au-dessus de leurs branches dépouillées. Gaspard se jeta à genoux. Il pria, puis il revint vers la ville. Ce fut par hasard qu'il arriva sur la plage juste à l'endroit où il avait caché sa ceinture. Il buta sur le monticule de sable où elle était enfouie. Il la reprit. Il gagna le bord de l'eau. Il resta un moment à réfléchir, les pieds dans l'eau. La lune avait disparu. Les vagues étaient faibles et l'étendue de la mer ressemblait à celle de la Meuse et des canaux dans la demi-obscurité du jour naissant. Où était ce beau temps de l'espérance?... Gaspard remonta vers le port et il regagna le bateau juste au moment où la lumière de l'aube baignait déjà les mâts et la cheminée. Sur le yacht tôt ou tard il aurait des nouvelles d'Hélène.
... Aussitôt qu'il fut dans son réduit il quitta son pantalon mouillé pour un autre que le maître coq lui avait alloué. Il s'étendit sur le plancher, et s'endormit. Un marin vint le chercher assez tard ce matin-là, et lui ordonna de nettoyer le pont.
... - Quand repart le bateau? demanda Gaspard.
... - On ne part plus, jeune homme, répondit le marin.
... - Pourquoi on ne part plus?...
... - Il y a eu du grabuge cette nuit.
... Le marin refusa d'en dire plus long. Cette journée-là et le lendemain, Gaspard travailla dans l'angoisse. Il prépara les repas pour les deux marins, qui lui imposèrent en outre de multiples astiquages. Le maître coq n'avait pas reparu. Trois jours après, Parpoil arriva vers la fin de l'après-midi, comme Gaspard frottait à tour de bras les plaques de cuivre de l'escalier. L'homme était un peu ivre.
... - Eh bien, jeune homme, lui cria Parpoil, n'est-ce-pas une magnifique croisière que vous faites-là? On se lève, monsieur, quand on vous parle.
... Gaspard quitta son ouvrage et s'avança vers Parpoil.
... - On laisse son chiffon pour écouter ceux qui vous font l'honneur de vous parler, continua Parpoil. Eh bien, jeune homme, voyez où mènent les beaux rêves. La propre fille de M. Drapeur a voulu se sauver, et maintenant elle va mourir.
... - Elle ne va pas mourir, cria Gaspard avec une sorte de rage.
... - Elle va mourir, répéta Parpoil. Elle délire. Elle parle d'un grand pays, un pays imaginaire bien-entendu, avec des bouleaux et des palmiers. Ah! Ah! Elle dit qu'elle va fuir là-bas avec un nommé Gaspard Fontarelle. C'est toi, Gaspard Fontarelle.
... - C'est moi, dit Gaspard avec fermeté.
... - Comment a-t-elle su ton nom? L'a-t-elle appris du cuisinier? En tout cas, elle supplie pour qu'on la laisse te voir. Elle plaint le petit prisonnier, comme elle dit. Mais elle délire et le médecin défend les visites. Il ne tiendrait qu'à moi, on te jetterait à l'eau tout simplement, jeune crétin...
... - Elle ne va pas mourir, dit Gaspard, et elle reverra son pays. Vous pouvez me flanquer à l'eau si vous voulez.
... Parpoil lança à Gaspard une telle gifle que le garçon chancela.
... - En attendant, cher nouveau-né, cria Parpoil, nous allons te fourrer à fond de cale. M. Drapeur décidera de ton sort.
... Il appela un marin qui entraîna Gaspard, comme à regret. Au moment de descendre l'escalier de la cale, Gaspard résista et se tourna vers Parpoil. Il lui cria:
... - Je vous mets au défi de rapporter mes paroles à Hélène.
... - Hélène, tu oses parler d'Hélène!...
... Parpoil s'avança et lui lança au visage une volée de coups de poings, puis il le renversa, et lui écrasa le visage avec son soulier, de telle façon que le marin protesta:
... - Assez!...
... - Jamais assez pour cette race de jeunes singes qui veulent décrocher le paradis.
... Parpoil ressemblait à un grillon obèse, mais il n'avait pas le caractère pacifique du grillon. Gaspard, bien qu'il eût le visage couvert de sang et fût à peu près incapable de se relever, continua à parler:
... - Je vous mets au défi de dire à Hélène qu'elle reverra son pays. Jamais vous n'oseriez le lui dire. Vous avez peur que ça arrive. Jamais vous n'oseriez lui dire que Gaspard Fontarelle a juré qu'elle reverrait son pays...
... L'homme semblait soudain dégrisé. L'état pitoyable où il avait mis le jeune garçon, l'attitude vaguement menaçante du marin, les paroles de Gaspard le surprenaient. Sa colère était tombée. Il ne chercha qu'à la justifier et à prendre une attitude propre à sauver sa dignité. Il parla avec une cruelle froideur.
... - La leçon aura suffi. Débarbouillez ce jeune homme, dit-il au marin. Quant à vous, monsieur Gaspard, je lui transmettrai vos paroles pour vous faire plaisir et pour me montrer courtois jusqu'au dénouement, jusqu'à ce que cette jeune fille paie très cher le prix d'un rêve, cher monsieur. Il suffit d'une corde qui casse, voyez-vous.
... Parpoil se mit à rire. Le marin releva Gaspard. Il le conduisit à la cuisine, le lava à grande eau, lui fit boire un cordial.
... - Ce soir, tu viendras avec moi dans la cabine de l'avant, dit le marin? Je te raconterai des histoires du pays...

...........................................................................  à suivre  ...

Dernier voyage


 
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  • : Le blog de Alain LECLEF
  • : Ce blog est destiné à présenter un court-métrage cinéma autour d'Arthur Rimbaud et de Nina... Voilà donc une approche par divers poèmes, d'Arthur bien-sûr... mais aussi d'autres poètes proches de lui... comme Emile Nelligan... de Léo Ferré pour sa musique et ses mots... ainsi que divers articles, images et extraits musicaux... Une balade aussi bien-sûr en Abyssinie... pour essayer de comprendre... Merci aux futurs lecteurs...
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